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LE JAPON.

mangé du fruit de l’arbre de la science du bien et du mal, ils eurent honte de leur nudité. On est tenté de croire que les ancêtres des Japonais sont nés avant cette première faute, car leurs descendants ne se doutent pas qu’on puisse trouver à redire au costume primitif du paradis terrestre. Ils sont d’une propreté admirable et se plongent tous les jours dans des bains horriblement chauds, au sortir desquels ils s’administrent de copieuses douches d’eau froide. Aucun de ces honnêtes et naïfs sujets du mikado ne songe à replacer pendant ces ablutions hygiéniques les murailles de papier de sa demeure dans leurs rainures, et l’Européen nouvellement débarqué est stupéfait de ces détails intimes livrés avec une candide bonhomie aux regards des passants. Notre maxime française : « la vie privée doit être murée » serait absolument incompréhensible pour les bourgeois du Niphon.

Grâce à ces cloisons habituellement absentes pendant beaux jours, nous n’avons pas besoin de lettres d’introduction pourvoir comment les bonnes gens des villes d’Yédo, Osaka et autres lieux se logent, se meublent, s’habillent et se nourrissent. Jetons de la rue un regard indiscret dans leur intérieur. Toutes les pièces de leurs demeures sont des rectangles parfaitement réguliers. Le nombre des pièces et par suite la dimension de chacune d’elles varient pour la même maison suivant les fantaisies des habitants, car les murs intérieurs qui divisent nos appartements en différentes pièces sont remplacés au Japon, comme les murs extérieurs, par des cloisons mobiles qu’on enlève et qu’on replace suivant qu’on veut avoir une grande chambre ou plusieurs petites. Dans telle famille nombreuse on a, la nuit, beaucoup de chambres à coucher qui se transforment le matin en un vaste salon, transformation d’autant plus aisée à accomplir que les Japonais n’ont pas des lits comme les nôtres et couchent sur un matelas mince et léger après s’être enveloppés d’une