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LA VIE AU JAPON.

de deux porteurs. Les Japonais, qui y sont habitués, semblent l’affectionner ; c’est pour les Européens un véritable instrument de torture. Aussi a-t-on inventé pour leur usage, dans ces dernières années, un autre véhicule dont la forme rappelle un peu celle de nos anciens cabriolets à deux roues. On l’appelle le djinrishka ; il est traîné par un homme, qui se trouve ainsi à la fois cheval et cocher. Ces coursiers à deux pieds vont très vite et ne semblent nullement malheureux de faire ce métier de cheval de fiacre. Les voyageurs qui ont eu recours à leurs services se louent de leur complaisance, de leur habileté et de leur politesse. Dans certaines villes on voit en outre, de temps à autre, de lourdes charrettes aux roues de bois plein non cerclées de fer, que traînent d’énormes bœufs attelés en flèche. Nous voilà loin des landaus, des coupés, des fiacres, des omnibus et des tramways de nos grandes villes.

Les maisons japonaises ne semblent pas moins étranges aux Européens que les moyens de transport employés par leurs habitants. M. le comte de Beauvoir nous raconte comment on s’y prend pour les édifier : « On construit d’abord le toit par terre. On le garnit de petites tuiles de bois de deux doigts de large, minces comme une feuille de papier, puis on l’élève et on le supporte au moyen de quatre poutres. En un rien de temps, le paravent multiple et transparent qui sert de mur est glissé dans de doubles rainures, et voilà une maison charmante, régulière à l’excès jusque dans ses moindre détails, élevée sans un seul clou. » Ces « paravents » dont parle le spirituel écrivain que nous venons de citer, sont de légers châssis de sapin sur lesquels sont collées de larges feuilles d’un papier cotonneux et transparent. Ces murs mobiles s’enlèvent quand on veut prendre l’air, si bien que, par le beau temps, on voit, en se promenant dans la rue, tout ce qui se passe dans l’intérieur des maisons. Non seulement on assiste aux repas de leurs habitants, mais leur toilette même n’a de secrets pour personne. Lorsque Adam et Ève eurent