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LE JAPON.

Quoi qu’il en soit de notre supposition, ce qui est certain, c’est qu’une fois le shogoun renversé au cri de « guerre aux étrangers », les vainqueurs n’eurent rien de plus pressé que de copier sur tous les points ces étrangers dont ils s’étaient proclamés les plus violents adversaires.

Les derniers shogouns avaient commencé à faire venir de France et d’Angleterre des instructeurs pour former leurs troupes à la tactique européenne et des ingénieurs pour apprendre aux ouvriers de leurs arsenaux à construire des frégates cuirassées à vapeur. Les ministres du mikado, une fois installés à Yédo, ne se contentèrent pas de ces réformes réellement indispensables. Ils firent venir de Londres, de Paris, de Berlin des professeurs pour enseigner dans leurs collèges, des jurisconsultes pour réviser leurs lois, des architectes pour leur élever des édifices semblables à ceux des capitales de l’Occident, des industriels pour organiser et diriger diverses manufactures. S’ils ne firent pas venir des tailleurs de Paris, ils remplacèrent du moins leurs splendides costumes nationaux par des vêtements semblables aux nôtres ; ils emprisonnèrent leurs cous dans des faux-cols empesés et mirent sur leurs têtes, à la place de leurs vastes chapeaux de carton laqué, nos horribles chapeaux de soie en forme de tuyaux de poêle. Les Européens appelés par eux, au lieu de stimuler leur zèle, durent plus d’une fois le modérer, en leur faisant comprendre l’inconvénient des réformes trop radicales et trop hâtives. C’est ainsi que M. Bousquet, à qui l’on demandait de faire tout simplement traduire notre code civil en japonais, obtint non sans peine qu’on se contentât de réunir les lois du pays, et de voir celles qu’on pourrait sans danger modifier plus ou moins profondément dans le sens de notre législation.

La religion du pays subit aussi de profonds bouleversements, comme nous le verrons dans un autre chapitre. Tous ces changements dans la constitution, dans les lois et