Page:Villetard - Le Japon, 1879.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
LE JAPON D’AUJOURD’HUI.

l’autorité des seigneurs féodaux en plaçant leurs fiefs sous l’autorité directe du mikado. Une révolution plus radicale que celle que nous avons accomplie en France à la fin du siècle dernier était ainsi opérée d’un trait de plume par le gouvernement qui devait sembler le plus hostile à de telles innovations.

Nous serons un peu moins surpris de ce fait extraordinaire si nous lisons avec soin les pages que M. de Hubner consacre aux chefs qui ont dirigé le mouvement. Les princes du sud n’étaient que les chefs apparents de la révolte contre le shogoun. Les hommes de tête et d’action qui les poussaient étaient de moins grands personnages. L’un d’eux, Iwakoura, appartenait, il est vrai, à la haute et ancienne noblesse de cour, mais il n’était pas daïmios et n’avait pas de fief à perdre ; il était resté jusqu’en 1868 dans une obscurité volontaire ; il attendait son heure en mûrissant ses plans. Un autre, Saïgo, était jadis un simple samouraï du prince de Satzouma ; il avait conquis par son mérite personnel et son habileté une immense influence dans l’île de Kiou-Siou. Ce fut Iwakoura qui alla l’y chercher et le décida à se rallier au programme du parti hostile au shogoun. Les quatre autres personnages qui, après Iwakoura et Saïgo, ont joué en 1868 le rôle le plus actif et le plus décisif, Sanjo, Kido, Okouma et Itagaki, avaient encore bien moins de motifs pour tenir au maintien de la féodalité : Okouma n’était, à la veille de la révolution, qu’un pauvre étudiant ; les trois autres étaient de simples samouraïs, peut-être portés à juger sévèrement au fond de leur cœur les grands seigneurs dont ils étaient les vassaux. Il est permis de se demander si tous ces hommes ne se sont pas fait des grands daïmios du sud de simples instruments, dont ils se sont servis tant qu’ils ont eu besoin de leurs noms pour agir sur l’esprit public, bien décidés dès la première heure à les écarter dès qu’ils pourraient se passer d’eux.