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LE JAPON.

cieuse de renseignements que l’Europe possédât sur le Japon. M. de Hubner constate que toutes ses descriptions sont d’une scrupuleuse exactitude.

On a dit que les Hollandais étaient souvent soumis à d’étranges humiliations. Leurs envoyés devaient, à ce qu’on rapporte, donner au shogoun et à sa cour une sorte de représentation grotesque : il leur fallait danser, se quereller, se battre, imiter la démarche titubante des ivrognes, et on a même dit que, pour s’assurer qu’ils ne chercheraient pas à propager leur religion, on les obligeait, dans certaines circonstances solennelles, à fouler des crucifix sous leurs pieds. Ils ont nié la plupart de ces faits, qui n’ont jamais été établis d’une façon bien positive. Ce qui est certain tout au moins, c’est que leur îlot était pour eux une véritable prison, où leur sort était peu digne d’envie. Mais le monopole du commerce entre l’Europe et cette partie de l’extrême Orient leur valait d’énormes bénéfices qui les consolaient de la triste vie qu’ils menaient à Décima.

Ils étaient d’ailleurs bien loin de pouvoir exercer leur commerce comme ils l’auraient voulu. Ils n’étaient autorisés à recevoir qu’un seul navire chaque année, d’après certains historiens, ou deux, d’après plusieurs autres. Ces navires, suspects au gouvernement shogounat, étaient fouillés avec soin à leur arrivée, car on craignait à Yédo que les daïmios mécontents ne fissent venir d’Europe des armes de guerre et des munitions. Quand les bâtiments repartaient, ils avaient à subir de nouvelles visites, car le shogoun tenait à ce qu’aucun de ses sujets ne pût s’échapper pour aller en Europe s’initier à des idées et à des croyances qu’il proscrivait. Mais ce même gouvernement tenait à savoir ce qui se passait, ce qui se disait et ce qui s’écrivait en Occident, et il se faisait envoyer par les commerçants hollandais et par leurs correspondants les livres qui pouvaient l’intéresser. Plusieurs Japonais, qui savaient lire l’allemand et surtout le