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LE JAPON.

Les persécutions devinrent plus violentes encore après Taïko Sama et Iyeyas. Elles ne purent lasser le zèle et la foi des chrétiens ; mais elles parvinrent à les exterminer. C’est en 1638, sous le règne du shogoun Iyemitz, que périrent les derniers représentants de l’Église catholique japonaise. Quarante mille infortunés[1], réfugiés à Shimabara, y furent égorgés par les troupes du shogoun avec l’aide des canons hollandais : le christianisme parut à jamais étouffé dans le sang, et le Japon fut rigoureusement, dès cette époque, fermé à tous les étrangers, à l’exception de ceux qui venaient de jouer, dans cet effroyable massacre, un si triste rôle. Les Hollandais sont accusés d’avoir contribué à éveiller la défiance des Shogouns contre les missionnaires et contre les catholiques. En tout cas, ils prêtèrent leur artillerie pour le carnage de Shimabara. En leur qualité de protestants, ils se donnèrent comme les adversaires du pape, du Portugal et de l’Espagne, et ils furent exceptés à ce titre de la loi de proscription portée contre tous les étrangers. Le gouvernement japonais leur permit de conserver un établissement dans le petit îlot de Décima, dont on peut faire le tour en quelques minutes ; mais il leur interdit de mettre le pied sur toute autre partie de son territoire, et lorsqu’il appelait quelques uns d’entre eux à Kioto ou à Yédo, il exigeait qu’il fissent la route dans des palanquins fermés d’où ils ne pouvaient rien voir. Cependant ils parvinrent plus d’une fois à déjouer toutes ces précautions, et l’un d’entre eux, le docteur Kœmpfer, qui fit partie de deux de ces ambassades, parvint à apprendre bien des choses, à voir une partie du pays qu’il traversait, à prendre même des dessins représentant certaines localités et certains monuments. Le livre dans lequel il raconte ce voyage a été, pendant plus d’un siècle, la source la plus pré-

  1. Nous empruntons ce chiffre à M. Bousquet (le Japon de nos jours, t. II, p. 116). Mais M. de Hubner ne parle que de 4 000 victimes jetées dans la mer du haut du Papenberg.