Page:Villetard - Le Japon, 1879.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65
QUELQUES MOTS SUR L’HISTOIRE DU JAPON.

Pour expliquer la chute du pouvoir dont nous venons de raconter la formation et la période la plus brillante, il nous faut revenir sur une question que nous avons seulement effleurée, celle des rapports des Japonais avec les Européens.

Nous avons raconté plus haut comment les efforts des missionnaires pour répandre le christianisme au Japon avaient été d’abord singulièrement heureux. Il semblait que catholicisme dût bientôt devenir la religion dominante de ce vaste empire de l’extrême Orient. Les bonzes, effrayés pour leur religion, avaient en vain sollicité l’appui des daïmios et du mikado. Un daïmio répondait à leurs instances que sa province n’avait jamais été plus florissante, plus heureuse et plus riche que depuis l’arrivée et les prédications des missionnaires. Aux très humbles remontrances des hauts dignitaires du bouddhisme, le mikado avait répondu en leur demandant combien il existait de sectes religieuses dans ses États. « Trente-cinq, lui dirent-ils aussitôt. — Eh bien, celle-ci fera donc la trente-sixième, » avait répliqué paisiblement le facétieux empereur.

Mais certains daïmois du sud, jaloux du pouvoir de Taïko Sama et sachant que les ministres de la nouvelle religion s’appuyaient, à l’autre extrémité du monde, sur des souverains très puissants, tels que le pape et les rois de Portugal et d’Espagne, pensèrent, dit-on, que ces grands princes de l’Occident pourraient les aider à secouer le joug chaque jour plus pesant du shogoun ; on prétend qu’une lettre, dans laquelle l’un d’entre eux se serait reconnu le vassal d’un souverain étranger, fut saisie et envoyée à Yédo. Ce serait ce fait qui aurait déterminé Taïko Sama à proscrire la nouvelle religion et à ordonner à tous les Japonais qui l’avaient embrassée d’y renoncer immédiatement. À son grand étonnement, on ne tint nul compte de ses ordres : les nouveaux chrétiens endurèrent presque tous les plus cruels supplices sans renoncer pour cela à la foi du Christ.