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QUELQUES MOTS SUR L’HISTOIRE DU JAPON.

pêcher leurs femmes et leurs enfants d’aller les rejoindre dans leurs domaines. Ils devaient venir à Yédo, mais seulement quand ils en recevaient l’ordre, et le prince s’arrangeait pour n’appeler jamais ensemble à la cour les daïmios dont les possessions étaient voisines.

Au-dessous de ces classes privilégiées se trouvait la nation, répartie eu quatre classes : la plus considérée était celle des paysans, puis venaient les artisans, puis en dernier lieu les marchands. Au-dessous de ces quatre classes, et pour ainsi dire en dehors de la nation, on rencontrait les étas, sorte de parias parmi lesquels étaient rangés tous les hommes dont la profession entraînait, d’après les idées reçues dans le pays, une sorte de souillure perpétuelle : tels étaient les corroyeurs, les fossoyeurs, etc.

Les Cent lois déclarent que le peuple est la base de l’empire, et elles indiquent les devoirs qu’ont envers lui les chefs de l’État, les grands et les fonctionnaires ; mais elles s’abstiennent de définir les droits du peuple envers le gouvernement et les grands.

Ces lois, qui parlent de lui en si beaux termes, font en réalité peser sur son cou un joug bien lourd. Il suffit pour le prouver de citer cet incroyable article 45 des Cent lois, article cité par M. Bousquet :

« Les samouraïs sont les maîtres des quatre classes. Agriculteurs, artisans et marchands ne devront pas se conduire d’une façon grossière. Par cette expression on doit entendre une façon autre que celle à laquelle on s’attend de la part de quelqu’un. Un samouraï ne doit pas hésiter à trancher la tête à un manant qui s’est conduit envers lui d’une façon autre que celle qu’il attendait. »

Un pareil article livrait évidemment à la merci des nobles la fortune, l’honneur et la vie de tout ce qui n’était pas noble. Il n’est pas douteux qu’une telle loi, édictée en d’autres pays, n’y eût fait régner la plus effroyable oppression. Mais les Japo-