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LE JAPON.

D’après ces lois, le shogoun nommait souverainement les cinq ministres qui composaient son cabinet ; c’est de lui que relevaient directement tous les fonctionnaires civils et militaires ; mais il était soumis à une sorte de contrôle exercé par le conseil des dix-huit grands daïmios, lesquels étaient aussi chargés d’élire le shogoun si le prince régnant venait à mourir sans héritier direct.

Iyeyas aurait probablement pu, s’il l’avait jugé à propos, détrôner le souverain fainéant de Kioto. Il reconnut au contraire hautement sa suprématie, et fit consacrer sa propre puissance, tout indiscutable qu’elle parût, parle chef nominal de l’empire. Seulement, il voulut avoir une résidence plus sûre que celle de son suzerain, et il transféra sa cour de Kamakoura à Yédo.

Iyeyas avait reconnu le pouvoir des grands daïmios, sans doute parce qu’il se sentait hors d’état de le briser ; mais il se montra inexorable pour les nobles d’un sang moins illustre qui avaient en vain combattu son usurpation, et il distribua leurs domaines entre ses huit fils. Il créa trois cent quarante-quatre autres nobles de haut rang qu’il pourvut de fiefs héréditaires. Il confirma les droits déjà établis des samouraïs, noblesse intermédiaire entre les seigneurs féodaux et le reste de la nation ; il créa enfin quatre-vingt mille hattamotos, dont il composa une aristocratie militaire maigrement dotée, et par cela même d’autant plus dévouée aux shogouns qu’elle ne pouvait se passer de leurs faveurs.

Les daïmios, qui composaient la haute aristocratie territoriale, étaient dans leurs terres de véritables souverains, comme les grands vassaux des rois de l’Europe au moyen âge ; mais ils payaient cher cette puissance trop redoutable. Pour les mettre hors d’état de conspirer et de se soulever contre les shogouns, Iyeyas, persévérant dans le système inauguré par Taïko Sama, obligeait les familles des daïmios à habiter la capitale, et les mesures les plus sévères étaient prises pour em-