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QUELQUES MOTS SUR L’HISTOIRE DU JAPON.

appela sous les armes la noblesse féodale et jeta plus de cent cinquante mille hommes sur les côtes de la Corée, à laquelle il n’avait pas même déclaré la guerre. L’armée chinoise qui vint pour lui livrer bataille fut taillée en pièces. Cinq ans plus tard, il envoya une nouvelle armée de cent trente mille hommes en Corée ; il se proposait, à ce qu’on suppose, d’aller jusqu’au cœur de la Chine renverser la dynastie des Mings ou la réduire à subir ses lois, mais il mourut au début de cette campagne, et les deux empires, fatigués de ces luttes sanglantes, se hâtèrent de conclure la paix.

Après sa mort, Fidé Yosi reçut le titre de Taïko Sama, sous lequel il est surtout connu. C’est sous son règne et d’après ses ordres que furent élevés les plus beaux monuments du Japon.

Nous l’avons appelé plus haut le Louis XIV japonais. Il a en effet bien des points de ressemblance avec le plus glorieux de nos rois. Les deux princes furent également des conquérants ; tous deux eurent le sentiment et l’amour du beau, du magnifique ; tous deux élevèrent des palais qui comptent parmi les monuments les plus admirables de leur pays respectif. Leur politique intérieure se ressemble aussi par certains côtés. Quand Louis XIV obligeait les grands de son royaume à venir à Versailles, il ne cherchait pas uniquement à satisfaire sa vanité en s’entourant de tous les chefs des familles les plus illustres. Le prince qui, dans son enfance, avait dû fuir devant la révolte des Frondeurs, voulait, on l’a dit avec raison, tenir sous ses yeux et sous sa main tous les hommes qui auraient pu, dans certaines éventualités, songer à rallumer en France la guerre civile. Fidé Yosi, qui avait vu son pays ravagé par les révoltes incessantes des grands seigneurs, obligea, pendant ses guerres contre la Corée, les femmes et les enfants des daïmios à venir habiter des demeures qu’il leur avait préparées dans l’enceinte de ses châleaux ; il alléguait la nécessité de les protéger pendant que leurs maris et leurs pères combattaient en Corée ; mais quand ceux-ci