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LE JAPON.

quelques lieues de rentrée de la baie d’Yédo) une capitale rivale de Kioto, et il y établit fortement sa puissance militaire.

Ce prince, nommé Yoritomo, est le premier shogoun qu’on puisse considérer comme ayant joui réellement du pouvoir royal. Aussi est-ce son nom qui est inscrit le premier sur la table chronologique des règnes des shogouns, que M. Humbert a donnée dans son très intéressant et très savant ouvrage.

À peine institué, le nouveau pouvoir fut bientôt traité lui-même comme il avait traité les chefs officiels de l’État mikadonal, c’est-à-dire qu’on le réduisit à une vaine apparence. Les descendants d’Yoritomo, médiocres et faibles, se laissèrent dominer par leurs ministres ; la famille de Hojo, alliée à celle du fondateur de la dynastie, fit instituer à son profil la charge à peu près héréditaire de régent, et créa ou déposa à son gré les shogouns. Elle eut soin de les choisir presque tous en bas âge, de façon à régner sous leur nom. Elle sut garder près d’un siècle et demi cette puissance quasi royale. Pendant ce temps elle donna à l’empire plusieurs régents habiles et sages. Ainsi l’un d’eux, à la fin du xiiie siècle, repoussa une formidable invasion des Mongols, qui régnaient sur la Chine. Mais, malgré les services qu’ils rendaient souvent au pays, les usurpateurs ne purent se soutenir que par la violence et la cruauté, et en 1333 la tyrannie de la famille de Hojo fut brusquement renversée par le mikado qui régnait alors à Kioto.

Celui-ci ne profita pas longtemps de sa victoire et tomba bientôt, sous le joug d’une autre dynastie de shogouns. Vers cette époque une division se produisit au sein du pouvoir suprême. Les droits au trône du mikado régnant furent contestés, il fut battu et se retira dans le sud, où lui et ses descendants continuèrent à être reconnus comme légitimes par une partie de l’empire, tandis que la branche de sa famille qui l’avait dépossédé régnait à Kioto, soutenue par les provinces du nord. Cette sorte de grand schisme[1], qui dura soixante

  1. On appelle le grand schisme la division qui produisit dans le catholi-