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QUELQUES MOTS SUR L’HISTOIRE DU JAPON.

à fait deux siècles à renverser les rois fainéants et à prendre leur place. Au Japon, les shogouns ont été pendant plusieurs siècles les rivaux et presque toujours les maîtres réels des mikados ; à chaque instant la guerre entre les deux chefs était prête à éclater ; les conspirations ourdies par les partisans de l’un des deux pouvoirs contre le pouvoir rival étaient incessantes. Plusieurs shogouns ont été de grands politiques et de grands capitaines auxquels il aurait été facile, à ce qu’il semble, de renverser le prince fainéant, invisible et immobile dans son palais de Kioto ; et cependant les conspirations ont échoué ou avorté ; tantôt les mines ont été éventées, tantôt on a oublié ou négligé d’y mettre le feu ; ceux des shogouns qui semblaient invincibles ont respecté volontairement l’antique majesté des mikados et sont même venus leur apporter le tribut de leur vénération officielle ; et lorsqu’au bout de six siècles la lutte s’est engagée à fond, c’est le maire du palais qui a été battu par le roi fainéant.

II

Les shogouns Taïko Sama et Congen Sama.

Le xe et surtout le xie siècle sont remplis par des dissensions intestines. Plus le chef suprême de l’État disparaît ou consent à se rendre invisible à ses sujets sous prétexte de faire respecter sa majesté, plus les grandes familles se disputent avec acharnement la réalité du pouvoir. Pendant de longues années, les rivalités ardentes et les haines implacables de la famille des Taïra et de celle des Minamoto font couler des flots de sang. Enfin, dans les dernières années du xiie siècle, le dernier descendant des Minamoto, échappé miraculeusement aux coups des ennemis de sa famille, parvient à recruter une armée avec laquelle il écrase à jamais les Taïra et leurs partisans. En 1192, il fonde à Kamakoura (à