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LES HABITANTS.

Au sud-ouest de la baie d’Yédo et sur la même côte s’enfonce une autre baie qui baigne le rivage de la province d’Owari, dont elle a reçu le nom.

Au fond de cette baie, à une lieue environ du rivage, on rencontre Nagoya, grande cité industrielle et commerciale qui, selon M. Bousquet, occuperait le quatrième rang sur une liste du Japon où les villes seraient classées d’après leur importance.

Les amateurs de curiosités s’intéresseront particulièrement à cette cité quand ils sauront qu’elle est l’un des centres pour la fabrication des porcelaines à décor bleu. On y fabrique aussi des émaux cloisonnés, moins beaux il est vrai que ceux de la Chine, mais encore fort recherchés par les collectionneurs.

Là, comme partout au Japon, la révolution récente a apporté de profonds changements.

Le prince d’Owari était l’un des plus grands personnages de la féodalité japonaise, et un nombre considérable de seigneurs relevaient de lui. Aujourd’hui le prince est dépossédé, et le siro ou château qu’il habitait naguère dans Nagoya sa capitale tombe déjà en ruine. Les yanhkis, ou résidences de ses anciens tenanciers, situés près du siro, sont abandonnés et délabrés. La ville elle-même semble condamnée à une décadence profonde et irrémédiable, sinon par la révolution politique, au moins par la révolution commerciale qui l’avait précédée. L’ouverture de certains ports du Japon aux étrangers a appelé dans ces heureuses villes tout le mouvement du commerce de l’empire. Celles où les Européens et les Américains n’ont pas accès dépérissent tout naturellement. Du reste, quand même le mikado nous accorderait, comme il le fera certainement à plus ou moins bref délai, le droit d’entrer dans toutes ses villes, Nagoya aurait bien de la peine à se relever, la baie d’Owari étant trop peu profonde pour recevoir nos grands steamers et même les bateaux à vapeur d’un moindre tonnage adoptés maintenant par les commerçants japonais eux-mêmes.