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LE JAPON.

le pouvoir des mikados fût alors avant tout un pouvoir religieux, et que Kioto fût plutôt la capitale spirituelle que la capitale temporelle de l’empire, c’était une ville très animée, très gaie, très brillante et très bruyante. M. Humbert, qui l’a visitée peu de temps avant la révolution de 1868, y a encore vu une population nombreuse, riche et ardente au plaisir. Aujourd’hui elle a beaucoup perdu de son ancien éclat, et on y remarque, dès qu’on y entre, tous les symptômes d’une décadence profonde et sans doute irrémédiable, car sa position géographique ne lui permet pas de réparer par le commerce et par l’industrie le mal que lui a fait le départ du chef suprême de l’État.

M. de Hubner est parvenu, non sans peine, à visiter en 1872 le palais des mikados, où presque aucun Européen n’avait pu entrer avant lui. Il n’en paraît, pas émerveillé et le trouve à peu près semblable aux yashkis, ou châteaux, des daïmios qu’il a pu voir. C’est toujours le même système de construction dont nous avons déjà parlé. Au lieu d’un véritable palais offrant une masse imposante et de grandes lignes d’architecture, c’est une série de bâtiments assez nombreux réunis dans une seule enceinte, mais séparés les uns des autres par des jardins. Une chose digne de remarque, c’est que l’enceinte du palais des mikados n’est pas protégée par des fossés comme celle du siro des shogouns à Yédo, et comme celle des yashkis de la plupart des grands daïmios dans leurs provinces.

On a comparé cette ville de Kioto, éloignée de la mer et dominée de tous côtés par des collines, à une cage où le mikado, chef officiel de l’empire, était enfermé par le shogoun, chef réel de l’État, et gardé à sa disposition. Les mesures étaient prises pour que le prisonnier ne pût même pas se défendre en cas d’attaque. Cependant, quand la lutte éclata, ce fut le captif qui ont raison de son geôlier. C’est à Fouzimi, tout près de Kioto, que fut livrée en 1868 la bataille décisive.

Le château qu’habitaient les shogouns lorsqu’ils venaient