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LES HABITANTS.

Il y a peu de temps encore, on voyait à deux des entrées d’Yédo une place consacrée aux exécutions capitales ; les têtes des suppliciés étaient exposées aux regards sur des poteaux ; les cadavres abandonnés servaient de pâture aux corbeaux et aux vautours ; les piliers auxquels pendaient ces tristes débris rappelaient aux voyageurs français ce que nos vieilles chroniques nous racontent de Montfaucon ; mais le moyen âge, nous l’avons dit, a pris fin au Japon depuis 1868. Le Montfaucon japonais a disparu en même temps que les lois devenaient moins sanglantes et les supplices plus rares. C’est peut-être près d’un de ces lieux d’horreur qu’est placée aujourd’hui la gare du chemin de fer de Yokohama, la première voie ferrée qui ait été construite dans le Niphon : les sujets du mikado ont passé sans transition du xve siècle à la dernière partie du xixe ; ils ont franchi en trois ou quatre ans ces étapes qui nous ont pris trois ou quatre siècles.

Ne quittons pas leur capitale sans dire qu’elle a tout récemment changé de nom. Elle s’appelle maintenant officiellement Tokio ; c’est ainsi qu’elle était appelée sur le plan colossal qui, à l’Exposition universelle de 1878, décorait la façade du Japon dans la rue des Nations.

L’ancienne capitale des mikados, Kioto (ou, suivant l’orthographe adoptée par M. de Hubner, Kiyôto) est située à peu de distance du lac Bioua. La ville, construite au fond d’une vallée, est entourée par deux rivières que les pluies d’orage transforment en torrents, mais qui n’ont le plus souvent que de minces filets d’eau dans leur lit très large. Cette vallée, ouverte vers le sud, est dominée des trois autres côtés par de hautes collines qui forment des points de vue délicieux.

La ville que le chef suprême du Japon a récemment abandonnée avait jadis une population évaluée par certains écrivains à cinq cent mille âmes, par d’autres à sept cent mille. Elle a perdu, dit-on, près de la moitié de ses habitants depuis qu’elle n’est plus la résidence du souverain. Bien que