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LE JAPON.


protéger. Dans ces vastes parcs étaient épars une foule de bâtiments relativement assez petits, où demeuraient les princes, leurs officiers et leur nombreuse suite. Rien dans leurs demeures ne rappelait les magnifiques hôtels et les palais splendides que les seigneurs se bâtissaient dans les grandes capitales de l’Europe. Leurs yashkis (ou châteaux), depuis qu’ils les ont abandonnés, sont occupés en grande partie par les employés du gouvernement, devenus très nombreux aujourd’hui que le mikado cherche à modeler son gouvernement sur celui des grands États de l’Europe. Ces employés, dont les traitements sont assez peu élevés, vivent presque tous fort modestement, et leur train ne rappelle en rien le faste des hauts et puissants personnages dont ils occupent les demeures.

C’est dans les quartiers commerçants qu’on retrouve tout le mouvement, toute l’animation d’une grande ville ; c’est là que de nombreuses boutiques, des marchands ambulants, des montreurs de bêtes et des jongleurs en plein air attirent une foule bourdonnante et rieuse qui se renouvelle sans cesse. C’est là aussi qu’on peut étudier, tout à son aise l’architecture japonaise, et ces étranges maisons de bois et de papier qui ne se dérobent pas aux regards derrière de hautes murailles, comme les anciennes demeures des daïmios.

Deux choses qui frappent tout d’abord l’étranger dans les rues d’Yédo, ce sont des belvédères ou des observatoires très élevés qui se rencontrent par centaines, et des espèces de tours basses, rondes et noires qu’on aperçoit aussi partout, au moins dans les quartiers commerçants. Les belvédères sont des postes où des guetteurs passent la nuit, afin de donner l’alarme dès qu’un incendie apparaît dans le quartier confié à leur surveillance : les tours basses et noires sont des magasins incombustibles où les commerçants vont enfermer leurs marchandises et tout ce qu’ils ont de précieux, dès qu’un incendie signalé par les guetteurs semble pouvoir atteindre leurs magasins.