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LE JAPON.

la première fois que le Japon s’offre à ses regards, mais elle n’est habitée que par des Japonais en rapports constants avec l’Europe ; leurs usages, leurs costumes, leurs caractères mêmes sont déjà altérés par le voisinage et le contact perpétuel de notre civilisation ; nous ne nous y arrêterons donc pas, et après avoir dit que Yokohama abrite à lui seul plus de la moitié des Européens établis au Japon, nous nous hâterons de passer à une ville plus intéressante et plus curieuse pour nous.

Les villes principales du Japon sont Yédo, Osaka et Kioto. Kioto a été pendant plusieurs siècles la capitale des mikados[1], tandis que Yédo était celle des shogouns (improprement appelés Taïcouns par les Européens). Depuis la révolution de 1868, qui a renversé le dernier shogoun, le mikado, resté seul souverain, transporta sa résidence à Yédo.

Yédo s’élève au fond de la baie qui lui doit son nom. C’est l’une des plus grandes villes du monde. D’après M. Rodolphe Lindau, la surface qu’elle couvre n’est pas moindre de 85 kilomètres carrés. Sa population est évaluée par le même auteur à 1 800 000 âmes, ce qui est à peu près le chiffre de la population de Paris. Il est vrai que dans ce chiffre il fait figurer pour cinq cent mille âmes les daïmios (grands seigneurs féodaux), avec leurs familles et les gens de leur suite ; or, la révolution qui a renversé le dernier shogoun, en supprimant le pouvoir politique des daïmios, les a dispensés de l’obligation de passer une partie de leur vie à Yedo et d’y laisser en tout temps leurs familles en otage. Mais, bien que leur départ ail diminué l’animation des quartiers qu’ils habitaient, les voyageurs qui ont visité Yédo le plus récemment ne nous en parlent nullement comme d’une cité en décadence.

Quoique la ville louche la mer, les quartiers les plus voi-

  1. Le mikado est l’empereur du Japon. Pendant longtemps les mikados, quoique très respectés prie peuple, n’eurent que l’apparence du pouvoir, dont la réalité appartenait aux shogouns ou taïcouns, comme on le verra au chapitre III.