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LE JAPON.

ans auparavant, ont fait des victimes par centaines de mille.

Pour atténuer les conséquences de ces incessantes convulsions du sol, les Japonais emploient le moins possible dans leurs constructions les murailles de pierre et de plâtre, qui pourraient, en s’écroulant, les écraser sous leurs décombres. Presque toutes leurs maisons sont bâties au moyen de quelques poutres de bois ; les murailles sont représentées par des châssis de sapin sur lesquels on colle de grandes feuilles de papier : on peut recevoir sans inconvénient, sur la tête, des pans de mur de ce genre. Mais il est fort dangereux d’y laisser tomber une étincelle ; or les étincelles ne sont pas chose rare dans les grandes villes du Japon, où les habitants, qui se comptent par centaines de mille, sont tous, sans distinction de sexe, des fumeurs acharnés, et gardent jour et nuit, pour la satisfaction de leur passion favorite, des braseros allumés ; les incendies sont presque aussi fréquents au Japon que les tremblements de terre, et le feu qui éclate sur un point quelconque d’une de ces villes de bois et de papier s’arrête rarement avant d’avoir détruit plusieurs quartiers.

Enfin, l’air n’est guère moins perfide que le sol, dans ce pays que nous étions tout à l’heure tentés de prendre pour un paradis terrestre. Pendant l’été et pendant l’hiver les moussons[1] soufflent avec une bienfaisante régularité ; mais aux équinoxes, lorsque la mousson qui vient de régner six mois doit faire place à celle qui arrive en sens inverse, la lutte de ces deux courants atmosphériques amène d’épouvantables tempêtes, nommées typhons, auprès desquelles les plus terribles coups de vent de nos climats semblent inoffensifs. À Yokohama, bien que la baie soit fermée de tous les côtés, on a vu les lourdes assises de granit des quais soulevées et jetées à plusieurs mètres par les vagues furieuses. Dans le

  1. Les moussons sont des vents réglés et périodiques de la mer des Indes qui soufflent six mois du même côté, et les six autres mois du côté opposé (Littré).