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LES PLAISIRS ET LA TABLE.

habituellement à la mode de leur pays : la chose n’est ni facile ni économique. Déjà quelques Japonais ont appris auprès des maîtres d’hôtel des grands steamers à faire une cuisine à peu près appropriée à nos goûts ; mais il faut leur fournir les éléments de cette cuisine et presque aucun d’eux, ne se trouve dans le pays. On fait venir la farine des États-Unis, le beurre du Danemark dans des boîtes de fer-blanc, l’huile de Provence, les légumes secs de Bordeaux, le mouton de Chine, les pommes et les oignons de San-Francisco, le café d’Aden, les vins de France, la bière d’Angleterre, le lait condensé de Suisse et les conserves de tous les points du globe. Les boutiques des marchands de comestibles rappellent aux Parisiens qui sont restés chez eux pendant le siège l’aspect des étalages de Chevet et de ses confrères en janvier 1871, à l’époque où l’on ne voyait plus que des boites de fer-blanc. « Si jamais, dit M. Bousquet, les Européens disparaissaient de cet empire, ils y laisseraient comme traces de leur passage une pyramide de boîtes étamées. » Déjà cependant on commence à élever et à tuer des bœufs pour l’usage des étrangers ; mais ce pays, qui ressemble tant à la Suisse et au Tyrol, n’a pas encore appris à traire les vaches, à faire du fromage et du beurre. La livre de beurre coûte 5 francs. Aussi l’une des plus vives jouissances des Européens résidant au Japon est un bon repas à la française ; ceux qui peuvent de temps à autre inviter leurs amis à une fête de ce genre acquièrent vite une grande considération à Yokohama.