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LE JAPON.

en Grèce le nom d’auteur dramatique aurait promené ses personnages sur un chariot, à travers les bourgs de l’Attique, et ce chariot aurait été l’humble début de ces théâtres sur lesquels ne devaient pas tarder à se produire les sublimes chefs-d’œuvre d’Eschyle et de Sophocle.

Au Japon, il y a encore aujourd’hui un genre dramatique qui répond absolument à la tragédie primitive des Grecs : un ou deux acteurs en costumes pompeux, alternant avec les chants d’un chœur, débitent des monologues ou des dialogues dans lesquels on célèbre les exploits des héros et des hommes illustres. Ce genre de pièces, fort littéraires peut-être, mais à coup sûr peu divertissantes, était réservé aux fêtes données par le shogoun, par le mikado ou par les daïmios, et ces représentations n’avaient pas d’autres spectateurs que les nobles invités de ces grands personnages. D’autre part, dans les fêtes de certaines corporations, une douzaine de solides gaillards promènent dans les rues de Yédo des chariots sur lesquels des acteurs, qui souvent sont des enfants, exécutent des pantomimes vulgaires, mais fort amusantes. Voilà le chariot légendaire de Thespis. Mais ces scènes presque exclusivement lyriques exécutées devant un auditoire d’élite et ces pantomimes promenées sur des charrettes ne doivent pas nous arrêter plus longtemps. Les véritables représentations dramatiques du Japon sont celles qui se donnent sur des théâtres permanents. Ces théâtres sont en nombre considérable à Yédo ; il s’en trouve aussi, quoique en moins grand nombre, dans les villes importantes du pays ; mais au Japon, comme en France, règne la centralisation littéraire, et l’on ne joue guère dans les provinces que des pièces composées pour le public de la capitale et consacrées par le succès qu’elles ont obtenu auprès de lui.

Les salles de spectacle japonaises ont, comme les nôtres, des loges et un parterre ; seulement, à Yédo, le parterre lui-même est généralement divisé en loges séparées les unes des