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LE JAPON.

Japon d’être bon nageur, un peu acrobate et tout à fait philosophe.

Il paraît que les Japonais réunissent en eux toutes ces qualités, car ils voyagent beaucoup, non seulement pour leurs affaires, mais aussi pour leur plaisir. Sans cesse on rencontre sur les routes des familles de condition modeste qui vont visiter simplement par curiosité certains lieux célèbres fort éloignés de leur demeure. Un cheval de bât porte deux paniers dans lesquels on a entassé les enfants qui ne peuvent pas aller à pied ; leur mère, à califourchon sur la croupe du paisible animal, porte un poupon sur son dos. Le père à pied avec ses aînés tire le cheval par la bride. Souvent des vieillards font partie de la caravane, et les touristes nourris de souvenirs classiques se rappellent Énée fuyant l’incendie de Troie avec le vieil Anchise et le petit Ascagne. Seulement ce n’était pas pour son plaisir qu’Énée s’en allait en cet équipage et il avait perdu sa femme Créuse dans les rues de sa ville en flammes. En allant de ce train ils font paisiblement leurs dix ris (à peu près dix lieues) par jour, couchent dans quelque maison de thé et se remettent gaiement en route le lendemain, prenant le temps comme il vient et ne se plaignant trop fort ni de la pluie qui les trempe jusqu’aux os, ni du soleil qui, après les avoir séchés, finit par les brûler.

Comme nous l’avons dit ailleurs, ces excursions ont surtout un but religieux : on se rend en pèlerinage au Fousi Yama ou à quelque autre lieu où se trouve un sanctuaire vénéré. Les pèlerins font imprimer le cachet des bonzes sur leur robe, comme en Suisse on fait marquer sur son bâton avec un fer rouge le nom de la montagne qu’on vient de gravir, et l’on finit par rentrer chez soi, trempé, brûlé, moulu, harassé, mais joyeux.