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LA RELIGION ET L’INSTRUCTION PUBLIQUE.

tères ! Chacun a devant lui une petite table haute d’un pied, longue de trois, pas mal barbouillée d’encre de Chine ; un encrier où il ta délaye ; des pinceaux et un rouleau de papier ; on en use beaucoup, et pour l’économiser, quand la page est noire, on la fait sécher, et sur cette surface mate on recommence à tracer des caractères qui se distinguent encore suffisamment. La grande joie de ces écoliers, quand passe un étranger, c’est de lui faire écrire son nom en sa langue et de dessiner ensuite les lettres par centaines d’exemplaires. En sortant de ces écoles, un bambin sait lire et écrire le kata-kana[1], compter sur le saroban, sorte d’abaque qui fait tout seul les quatre règles, et comprend couramment les livres populaires écrits dans la langue facile de la conversation. »

Cette division profonde entre les deux systèmes d’écriture et d’éducation a produit une division tout aussi profonde dans la littérature.

Les livres destinés aux hommes qui ont reçu l’éducation supérieure sont absolument inintelligibles pour ceux qui s’en sont tenus à l’instruction primaire. Ceux-ci non seulement ne peuvent pas les comprendre, mais ne peuvent pas même les lire. Un volume imprimé en grec est moins inabordable pour un élève de nos écoles primaires qu’un livre japonais de poésie ou de philosophie, imprimé en véritables caractères chinois et composé dans une langue où le chinois tient une grande place, ne l’est pour un Japonais qui n’a pas fait de longues études.

La haute littérature japonaise est, au dire du petit nombre d’Européens qui ont pu pénétrer plus ou moins profondément ses mystères, sèche, aride et pédante. Les livres en langue vulgaire sont au contraire assez intéressants. Les romans, destinés surtout aux femmes, appartiennent à ce dernier genre. Ce sont des histoires longues et compliquées

  1. Langue et écriture vulgaires.