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LE JAPON.

seur dans une de ces écoles, les jeunes gens en sortaient habiles calligraphes, écoliers obéissants, fils respectueux, sujets disciplinés, adorateurs de l’antiquité, sectateurs de la morale saine mais inanimée de Confucius, polis, formalistes, disciplinés et éminemment faciles à gouverner ; mais en même temps l’inertie dans laquelle on avait laissé leur intelligence naturellement vive, les sentiments de convention sous lesquels on avait refoulé leurs sentiments personnels, et surtout l’absence de toute pensée religieuse, et l’habitude de prendre le respect humain comme unique règle de conduite, tout cela contribuait à les maintenir, longtemps après leur sortie de l’école, à l’état de grands enfants, incapables de se diriger tout seuls, et, comme on dit, de voler de leurs propres ailes.

Dans les écoles où l’on donnait aux enfants des classes bourgeoises et populaires une éducation infiniment plus élémentaire, les choses allaient plus aisément. Au lieu de deux ou trois mille caractères, les écoliers n’avaient à en apprendre qu’une cinquantaine. C’est peut-être un peu plus difficile que les vingt-quatre lettres de notre alphabet, pas beaucoup plus pourtant.

M. Bousquet a vu fonctionner ces écoles primaires par lesquelles passent à peu près tous les enfants du pays, en exceptant seulement ceux des nobles, élèves dans les universités dont nous venons de parler, et ceux des fiches bourgeois, confiés aux soins de précepteurs particuliers.

« Que de fois, dit-il, en traversant un hameau de montagnes habité par des chasseurs et des bûcherons, ou un village de sériciculteurs[1], j’ai entendu le bourdonnement monotone de ces petites ruches où une douzaine d’enfants, garçons et filles, récitent à tue-tête l’irofa — l’alphabet vulgaire — ou s’exercent à en retracer les quarante-sept carac-

  1. C’est-à-dire de gens qui élèvent des vers à soie.