Page:Villetard - Le Japon, 1879.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
156
LE JAPON.

tout particulièrement célèbres. Dans la première on enseignait surtout la théologie, la morale et la culture du pur langage japonais ; dans la seconde, la langue, la grammaire et l’écriture chinoises, ainsi que les classiques de la Chine. Chaque chef-lieu de province avait aussi son collège. Le chinois était pour les Japonais ce que le grec et le latin sont pour les Européens. Seulement le grec et le latin sont relativement faciles à apprendre, et en étudiant ces deux langues employées par les grands écrivains de l’antiquité qui ont été les précepteurs de toute notre société occidentale, nous faisons une sorte de gymnastique intellectuelle qui nous prépare directement à des études plus ardues, tandis que le chinois se prête peu aux abstractions des sciences.

Les écoliers japonais avaient à exercer beaucoup plus leur mémoire que leur raison : il leur fallait d’abord apprendre les caractères de l’écriture chinoise, au nombre de plus de deux mille, s’exercer à les distinguer les uns des autres, à se rappeler le son que représentait chacun d’eux et à les retracer avec un pinceau ; car ce n’est pas avec des plumes, mais avec des pinceaux qu’on écrit, au Japon comme en Chine. Ce n’était certes pas là une petite besogne. Tout en leur apprenant à lire et à écrire, on leur remplissait la tête des préceptes de Confucius, de la liste complète des souverains chinois et japonais, des beaux traits de la vie des hommes célèbres des deux pays. On leur enseignait aussi à compter à l’aide du saroban (abaque ou boulier), sorte de cadre de bois muni de plusieurs rangées de tringles de métal sur lesquelles se meuvent des boules. Cet instrument sert aux Japonais pour faire une foule de calculs, et je ne sais plus quel voyageur prétend qu’un bourgeois de Yédo ne se hasarderait pas à dire que deux et deux font quatre sans avoir au préalable promené sur leurs tringles les petites boules de son saroban.

D’après un Américain qui a été plusieurs années profes-