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L’ORGANISATION ET LA LÉGISLATION FÉODALES.

amenés un à un au lieu du supplice, les yeux bandés, la figure couverte d’une feuille de papier ; on les fait agenouiller, le bourreau brandit son sabre et la tête du patient roule sur le sol. Aussitôt le corps est enfermé dans un sac de paille, tandis que la tête est recueillie et lavée pour être exposée aux regards du peuple. Tout cela est l’affaire d’une à deux minutes et un nouveau condamné vient s’agenouiller aussitôt sur la natte fatale.

Ajoutons que jusqu’à ces derniers temps les corps des suppliciés étaient livrés aux jeunes gentilshommes. En effet, comme on le verra au chapitre suivant, pour apprendre à faire galamment leur devoir de second auprès de ceux de leurs amis qui auraient à s’ouvrir le ventre, les samouraïs devaient s’exercer de bonne heure à détacher habilement d’un seul coup de sabre un membre du tronc. Ils se faisaient la main sur les cadavres que leur livrait le bourreau.

Si le nombre des exécutions capitales est si considérable au Japon, cela tient à ce qu’une foule d’actes qui chez nous ne mèneraient leurs auteurs que sur les bancs de la police correctionnelle sont là-bas punis de mort. Tout vol qualifié d’une valeur supérieure à quarante itzibons, c’est-à-dire à cent fr., entraîne la mort. Bien d’autres méfaits pour lesquels nos magistrats n’infligeraient que quelques mois, peut-être quelques jours de prison, étaient tout récemment encore punis à Yédo d’une façon tout aussi barbare. Voyez, d’après cela, quels délits devaient suffire pour faire condamner un malheureux à la fustigation, à la prison et aux travaux forcés.

Nous venons d’employer dans les pages qui précèdent tantôt le présent et tantôt l’imparfait : c’est que la procédure et la législation barbares dont nous venons de parler, presque entièrement condamnées en principe, sont déjà modifiées sur quelques points, tandis que d’autres parties subsistent encore, et qu’il est à peu près impossible de connaître au juste à quel point en est la réforme au moment précis où nous