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L’ORGANISATION ET LA LÉGISLATION FÉODALES.

quelques années avant la Révolution, subsistait encore à Yédo il y a dix ou douze ans. L’accusé qui dans son interrogatoire hésitait à répondre ou faisait des réponses que le juge, à tort ou à raison, croyait mensongères, était d’abord vigoureusement frappé à coups de bambou ; s’il persistait à se taire ou à ne pas répondre suivant les désirs de son juge, celui-ci le forçait à s’agenouiller sur le tranchant d’un quartier de bois dur ; on entassait alors sur ses jambes reployées de grosses dalles de pierre ; bientôt les arêtes vives du bois pénétraient dans sa chair ; ses genoux meurtris et broyés laissaient échapper des flots de sang et le malheureux, pour mettre fin à ses horribles douleurs, faisait les aveux ou inventait les contes qu’il voyait ses bourreaux décidés à obtenir de lui.

Les interrogatoires entremêlés de tortures se prolongeaient souvent pendant des mois, mais ils n’étaient pas suivis d’un débat public. Dans nos cours d’assises on entend l’acte d’accusation, on interroge l’accusé, les témoins à charge et les témoins à décharge ; l’avocat de l’accusé parle après le magistrat chargé de soutenir l’accusation, et c’est toujours la défense qui a le droit de faire entendre sa voix la dernière ; tous ces débats ont lieu en présence du public, et, on peut le dire, au moins dans les grandes causes, en présence du pays tout entier, auquel les journaux feront connaître le lendemain les moindres détails du procès ; le verdict est rendu par douze jurés et l’arrêt prononcé en conséquence de ce verdict par le président des assises. Cependant le condamné a encore le droit de se pourvoir en cassation et, une fois son pourvoi rejeté, il lui reste comme ressource suprême le droit de s’adresser au chef de l’État pour solliciter une grâce ou du moins une commutation de peine, qui lui est souvent accordée. Au Japon rien de semblable : lorsque les magistrats qui ont interrogé l’accusé se croient suffisamment instruits, ils préparent et rédigent leur sentence ; alors l’accusé est amené devant eux, lié de cordes. On le fait mettre à genoux ; il écoute dans cette hum-