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LE JAPON.

Les prisons, aussi bien celles où l’on enfermait les simples prévenus que celles où l’on détenait les condamnés, étaient des lieux de supplice si horribles, que tout homme qui y était jeté était considéré d’avance comme un homme mort : on pensait que s’il échappait au glaive de la loi, il n’échapperait pas aux maladies auxquelles donnaient lieu les privations de tout genre et une effroyable malpropreté. Les accusés étaient enfermés par escouades de huit dans des cages de bois où ils souffraient aussi cruellement de la chaleur en été que du froid en hiver. Des enfants de dix à douze ans se trouvaient souvent mêlés à ces prisonniers, dont quelques-uns pouvaient être d’honnêtes gens injustement accusés, mais dont la majorité appartenait forcément à la partie la plus corrompue de la population. Et comme l’instruction des affaires criminelles durait très longtemps, souvent plusieurs mois, le supplice des malheureux prévenus se prolongeait assez pour amener la mort de ceux qui n’étaient pas d’un tempérament très robuste.

Les prisonniers que les juges chargés d’instruire leur procès voulaient interroger étaient amenés au tribunal par troupeaux, non pas « chargés de chaînes » suivant notre expression française (car les Japonais ne connaissent pas les chaînes de fer), mais attachés avec des cordes qui les reliaient et les unissaient à leurs compagnons de misère.

Les interrogatoires auxquels les prévenus étaient conduits dans cet attirail ressemblaient beaucoup à ceux de nos anciens tribunaux, non par le costume et la tenue des juges qui les dirigeaient, mais par les procédés qu’ils employaient pour arracher des aveux aux malheureux conduits devant eux. Tout le monde sait ce qu’était jadis en France la question, c’est-à-dire la torture, ou plutôt les tortures variées auxquelles on soumettait les accusés pour les contraindre à s’avouer coupables, ou à dénoncer leurs complices. Cet horrible usage qui n’a été aboli chez nous que par Louis XVI