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LE JAPON.


Aussi quand nous rentrons au logis après de longues heures d’un pénible travail intellectuel ou manuel, nous sommes souvent préoccupés et soucieux, nous embrassons nos enfants, mais nous ne savons plus jouer avec eux, et souvent leur bruyante gaieté nous fatigue ou nous irrite. Les enfants des classes ouvrières ont à peine le temps d’être enfants : dès qu’ils sont assez grands pour gagner quelques sous, la nécessité du pain quotidien s’impose à eux, et les voilà qui travaillent comme de petits hommes. Les Japonais, qui ne connaissent pas encore notre existence dévorante, ont du loisir ; ils gagnent peu d’argent, mais la vie n’est pas chère dans leur pays ; ils n’ont pas de besoins de luxe et leurs femmes ne portent ni bijoux ni dentelles ; ils ont le temps de vivre et de se reposer l’esprit et le corps. Exempts des soucis qui nous vieillissent avant l’âge et qui assombrissent notre existence, ils restent toujours un peu enfants eux-mêmes ; aussi jouent-ils de bon coeur avec leurs enfants ; ils s’amusent pour leur propre compte des jeux qu’ils leur apprennent. Les enfants, généralement aussi peu vêtus que nos premiers parents avant la tentation, n’ont pas peur de détériorer leurs habits et d’être grondés pour les avoir salis ou déchirés ; comme il n’y a pas de voitures dans leur pays, on ne craint pas qu’ils se fassent écraser, et on leur laisse sans inconvénient une liberté d’aller et de courir qui aurait dans nos pays les plus funestes résultats. Enfin, ils jouissent en général, à ce qu’il est permis de supposer, d’une santé excellente, et leur dentition se fait facilement, car plusieurs voyageurs constatent qu’au milieu de cette nuée d’enfants de tous les âges et de toutes les tailles, il est infiniment rare d’en entendre un seul pousser des cris de colère ou de douleur.

On invente et l’on fabrique pour les divertir une foule de jouets singulièrement ingénieux. La plupart de ceux que décrivent les voyageurs ont été depuis quelques années importés chez nous, et ils ont obtenu beaucoup de succès. Tous les