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LE JAPON.

lière. La plupart d’entre eux n’ont qu’une notion tort des fonctions de la blanchisseuse ; ils ne connaissent guère l’usage du linge blanc, surtout du linge empesé. Ainsi, beaucoup d’employés vont gravement à leur bureau avec d’horribles chemises de flanelle ornées de faux cols en papier ; pour achever de se donner un air tout à fait distingué, ils se coiffent de feutres mous ou de casquettes de peau de lapin, et promènent triomphalement de superbes parapluies d’alpaga. Il faut convenir qu’ils avaient plus grand air avec leurs robes de soie et leurs chapeaux laqués.

Les fonctionnaires d’un rang élevé ont reçu des uniformes tout chamarrés d’or, qui ressemblent à ceux de nos anciens sénateurs. Sous ces vêtements, auxquels ils n’ont pas eu le temps de se faire, ils semblent singulièrement gênés, et leur malaise est encore augmenté par le supplice que leur infligent les bottines, où ils n’ont pas appris dès leur enfance à tenir leurs pieds emprisonnés. Dans quelques années, ils se seront faits à nos vêtements, à nos coiffures et à nos chaussures ; ils les porteront avec plus d’aisance, mais il n’en sera pas moins permis de regretter, même alors, leurs riches costumes nationaux. Notre civilisation a beaucoup d’avantages, mais il faut bien avouer qu’elle ne favorise pas le pittoresque.

Nous n’avons parlé jusqu’ici que des costumes civils. Les costumes militaires que la révolution a fait complètement abandonner méritent une mention toute spéciale.

Nous avons dit que la féodalité avait existé au Japon et qu’elle y avait duré jusqu’en 1868. Par une étrange coïncidence, les soldats de ces princes et de ces seigneurs féodaux ont été jusqu’à la même époque armés et équipés presque absolument comme l’étaient les soldats de l’Europe féodale. Quelques troupes avaient des fusils et des canons ; les remparts des forteresses étaient armés de pièces de fort calibre ; mais le gros de l’armée se composait encore d’archers, d arbalétriers et de lanciers ; aussi cherchait-on surtout à pro-