Page:Villetard - Le Japon, 1879.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
101
LE VÊTEMENT ET LE MOBILIER.

grande partie des Japonais consiste à n’en pas avoir, au moins dans la belle saison. L’uniforme des facteurs, que nous avons décrit plus haut et qui diffère peu de celui que portait Adam avant sa faute, est aussi celui des porteurs de cango et de norimon, des traîneurs de djinrishka[1], et enfin de presque tous les artisans dans le Niphon et à plus forte raison dans les îles plus méridionales. Il convient d’ajouter que chez la plupart d’entre eux le vêtement absent est remplacé par des tatouages compliqués.

Ce genre de peinture, tout à fait original, n’admet, d’après M. Humbert, que des sujets héroïques, tels que la lutte du héros de Yamato contre le dragon, le tribunal du grand juge des enfers, et l’image de ce brave incomparable qui, au moment même où sa tête tombait sous le glaive, sut encore arracher d’un seul coup de dents un pan de la cotte de mailles de son ennemi. Les poitrines et les dos de ces artisans sont pour les légendes japonaises ce que les panses des vases étrusques sont pour les religions de l’antiquité classique. Malheureusement, il ne serait pas commode de garder dans les vitrines d’un musée une collection de ces peintures vivantes.

Si les tatouages des palefreniers et des portefaix du Niphon peuvent d’ordinaire servir d’illustrations à un recueil de légendes japonaises, quelques-uns pourraient trouver place au journal des modes. M. Rodolphe Lindau, le spirituel auteur du Voyage autour du Japon, a eu comme betto (palefrenier) un gaillard ingénieux qui avait trouvé le moyen d’être à la fois tout nu et complètement habillé : son tatouage représentait une jaquette bleue à boutons blancs et à coutures rouges, avec des armes écarlates au milieu du dos, et un pantalon à carreaux noirs et blancs. Jamais élégant européen n’eut de culotte plus collante. Mais c’est là une

  1. Voyez l’explication de ces trois mots au début du chapitre précédent.