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Thiers ouvrit la guerre civile en envoyant Vinoy, à la tête d’une multitude de sergents de ville et de quelques régiments de ligne, faire une expédition nocturne contre Montmartre, afin de saisir par surprise l’artillerie de la garde nationale. On sait comment l’entreprise fut déjouée par la résistance de la garde nationale et la fraternisation des troupes de ligne avec le peuple. Aurelles de Paladine avait fait imprimer d’avance son bulletin de victoire, et Thiers tenait toutes prêtes les affiches annonçant ses mesures de coup d’État. Il fallut les remplacer par les appels de Thiers, faisant connaître sa résolution magnanime de laisser les gardes nationaux en possession de leurs armes, avec lesquelles, dit-il, il avait la confiance qu’ils se rallieraient autour du gouvernement contre les rebelles. De 300,000 gardes nationaux, 300 seulement répondirent à l’appel du petit Thiers, qui les engageait à se rallier autour de lui contre eux-mêmes. La glorieuse révolution des travailleurs du 18 mars était désormais accomplie à Paris. Le Comité central était son gouvernement provisoire. L’Europe semblait pour un moment se demander si les récents exploits politiques et militaires avaient quelque chose de réel, ou s’ils n’étaient pas les rêves d’un passé déjà éloigné.

Depuis le 18 mars jusqu’à l’entrée des troupes de Versailles dans Paris, la révolution des prolétaires resta tellement exempte des actes de violence qui accompagnent ordinairement les révolutions et encore plus les contre-révolutions des classes supérieures, que ses adversaires n’eurent à lui reprocher que l’exécution des généraux Lecomte et Clément Thomas, et l’affaire de la place Vendôme.

Un des officiers bonapartistes engagés dans l’entreprise nocturne contre Montmartre, le général Lecomte, avait quatre fois ordonné aux soldats du 81e de ligne de tirer sur le peuple sans armes à la place Pigalle et les avait insultés grossièrement, sur leur refus. Au lieu de tirer sur