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Avec son courage légendaire il persista à ne pas se montrer sur la scène politique jusqu’à ce que les massacres de Juin l’eussent préparée pour son genre d’action. Alors il devint le coryphée du Parti de l'ordre, et de sa république parlementaire, cet interrègne anonyme pendant lequel toutes les factions rivales de la classe dominante conspiraient ensemble pour écraser le peuple, et manœuvraient les unes contre les autres, chacune pour restaurer sa monarchie favorite. Alors, comme aujourd’hui, Thiers dénonçait les républicains comme le seul obstacle à la consolidation de la République ; alors comme aujourd'hui, il parlait à la République comme le bourreau parlait à Don Carlos : « Je vais t’assassiner, mais c’est pour ton propre bien ! » alors, comme aujourd’hui, il aura à s’écrier le lendemain de la victoire : L'empire est fait. Malgré ses homélies hypocrites sur les libertés nécessaires et son animosité personnelle contre Louis Bonaparte, qui l’avait joué en chassant le parlementarisme (et le petit homme sent très-bien qu’en dehors de l’atmosphère factice de ce régime, il ne peut que se flétrir dans le néant), il trempait dans toutes les infamies du second empire depuis l’occupation de Rome par les troupes françaises jusqu’à la guerre contre la Prusse, à laquelle il poussa, par ses furieuses invectives contre l’unité allemande qu’il ne regardait pas comme le masque du despotisme prussien, mais comme un empiétement sur les droits de la France, intéressée à ce que l’Allemagne restât désunie. Aimant à brandir, avec ses bras de nain, à la face de l’Europe, l’épée du premier Napoléon, dont il s’est fait le décrotteur historique, sa politique extérieure a toujours abouti à l’humiliation de la France depuis la convention signée à Londres en 1841 jusqu’à la capitulation de Paris en 1871, et à la guerre civile actuelle, dans laquelle il lance les prisonniers de Sedan et de Metz contre Paris avec la permission spéciale de Bismark. Malgré la versatilité de son talent et