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LE TEMPS

mée, puisqu’un Monarque si sage & si prudent perdit ces qualités aux premiers regards d’une jeune fille, dont la naissance étoit aussi basse que sa beauté étoit rare ? Un coup d’œil fut suffisant pour effacer de son esprit la disproportion que le rang & l’âge mettoient entre lui & elle.

La tendresse qu’il avoit pour ses enfants, ne combattit pas un instant cette nouvelle passion ; elle devint si violente dès sa naissance, que, sans réfléchir à ce qu’une telle alliance pouvoit avoir de fâcheux pour sa réputation, ou pour les intérêts de sa famille, il épousa la Belle. Mais peu satisfait que le seul hymen l’en eût rendu possesseur, il s’entêta de la ridicule fantaisie de gagner son cœur, & de lui faire oublier qu’il étoit octogénaire.

Ce projet, impossible à l’exécution, n’étoit pas sans difficulté pour une apparence de succès. Le Roi n’avoit qu’un moyen par où il pût y parvenir ; c’étoit d’avoir une complaisance sans bornes : il ne balança pas un moment à le mettre en pratique, & il poussa la déférence jusqu’à un respect si outré, qu’il auroit passé les regles de la subordination, si c’eût été la Reine qui le lui eût rendu : enfin, ses égards furent à un tel excès, qu’elle n’eût