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ET LA PATIENCE.

autant de liberté que si elle eût été sa sœur ; l’excès de ces familiarités allant jusqu’à appuyer la tête sur les genoux de Merille pour dormir plus à son aise, lorsqu’ils étoient en pleine campagne, où il ne trouvoit point de maniere plus commode pour se reposer. Ces procédés sans façon déplaisoient extrêmement à la jeune Princesse, & leur Conductrice avoit bien de la peine à la retenir ; mais enfin, un jour où la Patience, que Merille & lui avoient plus fatiguée que de coutume, étoit demeurée derriere, & que, pour respirer plus à son aile, elle s’étoit assise un peu loin d’eux au bord d’une fontaine qu’ils venoient de quitter, tandis que ces jeunes gens se promenoient, en attendant que le soleil commençât à baisser, Benga présenta respectueusement la main à la Princesse ; mais, suivant son usage familier, Balkir la prit sous le bras, en lui passant un des siens autour du col ; l’embrassant enfin, il lui donna un baiser dont Merille, qui n’étoit plus retenue par la Déesse, se mit en très-grande colere.

Téméraire, lui dit-elle fiérement, tu me vends trop cher le soin que tu te donnes de m’accompagner, & je renonce à ton assistance. Retire-toi : je sortirai, si je puis, de ce désert sans ton secours ; mais