Page:Villeneuve - Le Temps et la patience, tome 1.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
68
LE TEMPS

le prendrez dans une situation favorable. J’avoue qu’en vous abandonnant au desir de suivre la Précipitation, mon ennemie & la vôtre, vous le rencontrerez plutôt. Mais dans quelle humeur sera-t-il ? Je ne voudrois pas vous répondre que cette démarche imprudente, pour être trop précipitée, ne vous devînt funeste : rien n’est plus dangereux que de le forcer ou de le prévenir ; &, par les brusqueries, il fait souvent repentir ceux qui ont eu la témérité d’entreprendre de le brusquer lui-même.

Ces raisons étoient un frein qui contenoit les jeunes voyageurs. Cependant, le beau Balkir devenoit tous les jours plus libre & plus vif, tandis que son frere, à qui l’habitude de voir incessamment Merille, avoit inspiré un amour violent pour cette Princesse, paroissoit plus timide : il ne craignoit rien tant que de lui déplaire. Cette crainte étoit si forte dans son cœur, qu’à peine il osoit la regarder tendrement, ou lui toucher la main. Il n’en étoit pas de même de Balkir, qui ne s’arrêtoit point à tous ces ménagements ; & ne suivant que les mouvements d’un enjouement inépuisable, non-seulement il prenoit les mains de la Princesse, mais les lui baisoit, en lui faisant des caresses avec