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LE TEMPS

Elle sourit, & cette connoissance n’apporta aucun changement à sa premiere façon d’agir : ne prenant pas même la peine de lui témoigner ce qu’elle en savoit, elle la sut si bien calmer, qu’enfin elle engagea cette belle affligée à prendre quelque repos, & qu’elle s’endormit dans les bras de sa bienfaictrice, où elle attendit le jour avec plus de tranquillité qu’elle n’en auroit eue si elle s’en étoit éloignée, comme elle en avoit eu l’intention.

Lorsque Merille s’éveilla, le soleil étoit déja avancé dans sa course ; son premier soin, en ouvrant les yeux, fut de demander à sa Protectrice, de quelle sorte elle se devoit conduire pour trouver enfin la nourriture dont elle avoit besoin, & qui ne pouvoit plus souffrir de retardement ; la nécessité s’en étoit augmentée pendant son sommeil d’une maniere si prenante, qu’elle lui faisoit naître des inquiétudes que tout le pouvoir de la Patience n’étoit pas capable de détruire.

Elle ouvroit la bouche pour lui faire entendre sa peine, & pour la prier d’y chercher un prompt remede, lorsqu’elle apperçut assis à deux pas d’elle deux jeunes hommes parfaitement bien faits, dont le moins âgé étoit d’une beauté ravissante ; la délicatesse de ses traits surpassant