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LE TEMPS

prévenez-vous si généreusement ? Apprenez-moi, de grace, à qui j’ai tant d’obligations, & ce que vous faites ainsi seule dans cette solitude ; quel est le pouvoir qui vous force d’y rester ? car je ne puis croire que vous y soyez volontairement, & que l’occupation qui semble vous y arrêter, soit de votre goût, ni de votre choix.

Je ne suis pas, reprit cette femme, une personne ordinaire ; je suis quelque chose de plus qu’une mortelle : mon origine est divine ; mais, malgré ma divinité, j’avoue que je suis dans un tel mépris chez les hommes, que ce n’est qu’à la derniere extrémité qu’ils me recherchent, quoiqu’ils aient cent fois expérimenté mon pouvoir, & combien je fournis de ressources, dont les malheureux qui y ont recours, ne manquent point de tirer de l’avantage : malgré cela, leur aveuglement est si grand, que les heureuses expériences qu’ils font à chaque instant de mon pouvoir, ne peuvent vaincre le dégoût que je leur inspire ; & tel qui, par ma faveur, a surmonté des obstacles qui paroissoient invincibles, ou qui a vu réussir des affaires qu’il croyoit désespérées, ne peut cependant résister à la répugnance qui l’éloigne de moi, & qui lui fait ou-