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LE TEMPS

avoit inspiré ; mais fidelle au serment que la douleur lui avoit fait faire, loin d’être rentrée au Palais de la Reine, elle étoit sortie d’Angole par une autre route, dans la résolution d’aller errer dans le monde, jusqu’au moment qu’ayant trouvé ses freres, elle pût retourner avec eux & revoir son Pays, ou suivre leur fortune, & la partager telle qu’elle seroit, espérant que le Ciel seconderoit ses bonnes intentions & les lui feroit rencontrer.

Si la démarche de cette Princesse étoit un témoignage certain de la bonté de son cœur, & de l’horreur que lui causoit l’usurpation dont elle se reprochoit d’avoir été cause, ce n’en étoit pas un moindre de son imprudence ; le desir de réparer la faute de sa mere, lui en faisoit commettre une autre, que la seule jeunesse pouvoit rendre excusable, en lui déguisant le danger où elle alloit s’exposer : mais son bon naturel l’empêchant de rien envisager, elle partit sans savoir où elle alloit porter ses pas ; son peu d’expérience lui aidoit encore à se cacher le ridicule de cette entreprise ; elle avoit eu si peu d’entretiens depuis long-temps avec des personnes sensées, & on avoit si fort négligé de l’instruire, qu’ignorant l’étendue du globe de la terre, elle ne pensoit peut-être pas qu’il