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LE TEMPS

mort de ces Princes… Mais, ajouta-t-elle, puisque je ne puis les rappeller dans un Pays d’où l’injustice les a chassés, du moins il ne me sera jamais reproché que j’aie profité de leurs disgraces ; & je jure de ne plus rentrer dans le Palais de nos Ancêtres, que je ne les y sache de retour, ou que je n’y rentre avec eux.

A ces mots, prenant congé de la vieille, elle s’en éloigna si brusquement, qu’elle l’eut perdue de vue à l’instant, se reprochant de lui en avoir tant dit, par l’appréhension qu’elle ne fut au Palais apprendre à tout le monde sa fuite & son dessein ; mais la bonne femme étoit bien éloignée d’en avoir l’intention, elle-même étoit frappée d’une inquiétude violente, redoutant à son tour que cette jeune personne, en rentrant chez la Reine, ne redît ce qu’elle venoit si imprudemment de lui confier.

La crainte la saisit tellement, qu’elle ne s’apperçut pas du serment que faisoit Merille, ni de la route qu’elle avoit prise, qui étoit toute différente de celle par où elle étoit venue.

Cette femme se sentoit doublement coupable d’avoir écouté les secrets de sa Maîtresse, & outre cela de les avoir révélés avec tant d’indiscrétion à une petite fille