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LE TEMPS

ducation de la jeune Princesse, elle fut si parfaitement négligée, que cette enfant malheureuse se trouva enfin abandonnée à la conduite d’un petit nombre d’esclaves sans mœurs, sans politesse & sans pouvoir, ensorte qu’elle manquoit des choses les plus nécessaires à la vie.

Cependant elle croissoit, & son esprit augmentoit avec sa beauté. Les premières leçons qu’elle avoit reçues, étoient encore présentes à sa mémoire ; elle s’étonnoit de ce qu’elles avoient été si totalement supprimées, se rendant trop de justice pour ne pas sentir qu’elle n’en avoit point assez profité, & jugeant sagement que ce ne pouvoit être une raison qui empêchât qu’elles ne fussent continuées. Contre l’usage ordinaire aux enfants, elle en avoit regret, & connoissoit ce qu’elle perdoit, ainsi que la différence de la façon dont elle étoit traitée alors, à celle dont elle vivoit avant la mort du Roi. Son extrême jeunesse l’empêchoit de discerner positivement ce qui lui manquoit, non plus que le motif de ce changement ; mais elle ne laissoit pas de s’estimer malheureuse, sans savoir précisément ce que c’étoit que le malheur.

Elle pleuroit souvent, quoiqu’elle ignorât ce qu’elle avoit à pleurer, soupiroit