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ET LA PATIENCE.

& celle de sa mémoire lui eussent fait mettre à profit les vertueux préceptes qu’elle avoit reçus en naissant ; car le Roi étant mort avant qu’elle eût huit ans accomplis, tout changea de face à son égard : quoiqu’avant son trépas, son pere eût pris la précaution de ratifier le don de sa succession, qu’il avoit déja fait à la Reine, & de nommer Merille héritiere de sa mere ; par malheur, il avoit aussi nommé le perfide Mouba pour le Conseil de la Reine, & pour être Tuteur de Merille, conjointement avec la Souveraine.

Ce ne fut pas sans une extrême répugnance que les Sujets, fideles à son Sang & à sa gloire, firent le funeste serment qui déshéritoit des Princes si dignes d’un meilleur sort ; mais la brigue étoit trop forte, & de plus, la Loi permettoit aux peres de ce Pays l’injustice qu’il avoit faite. Les plus zélés ne pouvant l’empêcher, & ne voulant point se perdre inutilement, se virent forcés de suivre le torrent ; en-sorte que sans obstacle, la Reine & Mouba se trouverent au comble de leurs vœux.

Après cette action, le Roi n’ayant plus rien à faire au monde, en partit ; & par une mort naturelle, il épargna au Grand-Prêtre la peine de le forcer à lui céder ce Trône où il aspiroit depuis tant d’années,