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ET LA PATIENCE.

avoit déja prescrit, & il lui commanda précisément d’aller le jetter dans la riviere.

Un commandement aussi affreux fit frémir ce malheureux ; mais malgré l’horreur qu’il en ressentit, & qui s’augmentoit par la condition de celui qui le lui faisoit, il n’osa se dispenser d’obéir, & reportant ce petit infortuné à se femme, il le lui livra, en lui expliquant la volonté de Mouba.

La compassion n’étant pas capable d’ébranler leur devoir, elle se soumit à la nécessité d’obéir à un ordre si barbare ; & surmontant la pitié que lui faisoit cect innocent, elle exécuta la loi qui lui étoit prescrite, & le jetta dans la riviere, d’où il fut pêché le lendemain, & porté à la Ville, où on fit de vaines perquisitions, tant pour savoir à qui il appartenoit, que pour connoître les auteurs de cette coupable action : mais les soins que l’on en prit furent vains ; car celle qui l’avoit commise, pour cacher ce crime, comme s’il eût été le sien, avoit eu la précaution de sortir adroitement de la Ville, en remontant le cours de la riviere, jusqu’au moment qu’elle eût trouvé un endroit assez solitaire pour mettre son secret en sûreté, & n’être pas apperçue dans son action.