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ET LA PATIENCE.

sa cour à la Reine, de ménager sa confiance, & de la persuader plus que jamais, qu’il n’avoit d’autres intérêts en vue que le sien, & qu’il lui étoit entiérement dévoué.

Quoique cette Princesse ne pût ignorer que les desseins qu’elle avoit n’étoient pas innocents, elle s’aveugloit sur cela ; & l’espérance de se voir un fils, redoublant l’effort de son ambition, fermoit son cœur aux remords d’une telle injustice, croyant, au contraire, qu’elle seroit du côté du Ciel, s’il mettoit obstacle à des desirs animés par la tendresse maternelle. Elle concluoit enfin qu’il n’y avoit rien de plus naturel que de tout faire pour le bonheur de ses enfants, & que, si jusqu’à sa grossesse, elle avoit en quelque sorte manqué aux loix de l’équité, cette heureuse fécondité changeant la nature de la chose, ce qui étoit précédemment une ambition que l’on pouvoit condamner, devenoit une nécessité, même un devoir.

L’encens fumoit par ses ordres dans les Temples, tout y retentissoit jour & nuit des injustes vœux qu’elle faisoit faire à cette intention… Il est vrai cependant qu’elle y en joignoit de légitimes, en invoquant les Dieux pour la conservation du fruit qu’elle portoit en son sein, &