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LE TEMPS

qui vient à bout de tout, & qui avoit entièrement consommé leurs pieces d’or & les pierreries que Benga & Balkir avoient apportées de chez eux, lorsqu’ils étoient arrivés chez le Roi Solitaire, en fit autant de leurs habits, qui, éprouvant le même sort, n’étoient plus que des haillons, ce qui ne servoit pas peu à augmenter leur misere ; car ceux à qui la nécessité les forçoit de s’adresser pour en obtenir des recours, les voyant en si mauvais équipages, les prenoient pour des brigands, à qui la pauvreté sert de prétexte pour demander, en attendant l’occasion de prendre.

Cette douloureuse situation les faisoit quelquefois repentir d’avoir quitté les divers asyles dont ils étoient sortis avec tant d’imprudence, & leur vérifioit la prédiction du Temps, qui les avoit menacés de les mettre en tel état, qu’ils regretteroient les carrieres de marbre.

Les Princesses, dont la précipitation avoit causé la résolution de désobéir au Temps, n’osoient se plaindre d’une infortune si bien méritée ; mais le silence qu’elles gardoient, ne cachoit point à leurs amants les maux qu’elles ressentoient ; elles étoient aimées, & ces sentiments suffisoient pour qu’elles n’eussent pas besoin de s’expliquer. Les Princes ne