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ET LA PATIENCE.

tre : ainsi, n’espérant point d’obtenir leur congé volontairement, ils se voyoient contraints à imaginer les moyens de le prendre par adresse, &, de chercher une occasion qui leur procurât furtivement la liberté.

Elle se trouva plutôt & plus facilement qu’ils ne l’avoient osé espérer. Cet homme qui faisoit tirer & polir des marbres, étoit envoyé en ce lieu, & en avoit l’autorité de la part du Roi du Pays ; ce n’étoit que pour son Souverain qu’il faisoit faire ces travaux. Lorsqu’ils étoient en état, on les chargeoit sur des barques, qui les portoient, au moyen d’une Riviere voisine, & on les lui envoyait de cette sorte à sa Ville Royale, conduits par de vieux esclaves, que leur âge & leur foiblesse mettoient hors d’état d’être utiles à rien autre chose ; ce qui assuroit la fidélité de leur retour, ne pouvant trouver personne ailleurs qui voulût les nourrir ; étant, outre cela, presque tous des enfants enlevés à leurs parents dans une si tendre jeunesse, qu’ils n’en avoient que des idées trop confuses pour les pouvoir retrouver, ou bien des Voyageurs, partis si jeunes de chez eux, & depuis si long-temps, qu’ils ne se pouvoient plus flatter d’y être reconnus.