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LE TEMPS

donner les petits secours qu’un homme seul ne peut attendre de lui-même. Je fus obligé de me pourvoir aux Hameaux voisins, où l’espoir de la récompense engage les Habitants à me soulager. Je garde tout ce qui m’est nécessaire, & leur abandonne le superflu ; mais, mes chers Seigneurs, ajouta-t-il, si vous voulez borner vos courses auprès de moi, je partagerai mes biens avec vous, nous nous passerons des secours étrangers : vous serez libres ici, en y attendant un meilleur temps, & vous l’attendrez plus agréablement qu’en parcourant le monde, sans savoir où vous voulez aller, ni de quel côté y être en sûreté contre les embûches de vos ennemis, qui, encore que vous en soyez éloignés, peuvent, par un malheureux hazard, vous rencontrer à leur avantage, & vous faire périr en trahison ; ce qui n’arrivera pas si vous prenez le parti de rester en ce charmant désert.

Almanza finit ainsi l’Histoire du Roi Solitaire : Nous acceptâmes ses offres, continua-t-il ; & depuis plus de quatorze ans que nous vivons avec lui, nous n’avons jamais vu chanceler sa vertu ; il n’a point changé sa façon ordinaire, & va exactement tous les ans revoir son fils.