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ET LA PATIENCE.

mon fils ; je vous adore, continuai-je, en parlant à la Princesse : mais c’est cette même tendresse qui me porte à sacrifier mon bonheur, pour faire celui des personnes qui me sont si cheres ; il vaut mieux me résoudre à devenir votre victime, que de m’obstiner à vous prendre pour les miennes. Ma situation l’exige, & il n’est pas juste que, pour mon bonheur particulier, je plonge la jeunesse de l’un & de l’autre avec toutes mes espérances & celles de mes Etats, dans une infortune irréparable. Vivez, mon fils, vivez, ma fille, continuai-je, en les embrassant les larmes aux yeux, mais vivez heureux ; soyez unis, & ne cessez point de chérir un pere qui vous donne la plus forte preuve de tendresse que vous en puissiez prétendre.

Jamais personne n’a, je crois, passé si promptement de l’extrémité du désespoir à une joie aussi parfaite. Son excès fut tel, que je ne pus empêcher la Princesse d’embrasser mes genoux : Quelle générosité approche de la vôtre, Seigneur, me dit-elle ! j’en suis pénétrée ; elle me fait connoître plus positivement, combien j’ai eu tort de me rendre indigne de l’honneur que vous me destiniez. Je l’interrompis pour l’assurer que les sentiments