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LE TEMPS

satisfait, puisqu’il vous seroit impossible d’inventer des peines plus rigoureuses que celles que je ressens : ainsi, Seigneur, ajouta-t-elle, avec une confusion qui redoubla ses charmes, après l’aveu d’une faute qui me rend entiérement indigne de vous, je ne doute pas qu’un juste mépris prenant la place de l’amour, vous ne soyez assez équitable pour m’abandonner à ma cruelle destinée & aux remords qui me vont suivre.

Les larmes étoufferent sa voix en ce moment, où ne pouvant résister à la violence de sa douleur, elle perdit toute connoissance : mais, comme si la vie de ces deux amants eût été animée des mêmes mouvements, mon fils tomba à mes pieds, privé de l’usage de ses sens. La Confidente de la Princesse & moi nous eûmes bien de la peine à leur donner du secours. Ce triste spectacle étoit si touchant, qu’il s’en fallut peu que je ne me trouvasse dans le même état, je surmontai pourtant ma foiblesse, en leur voyant reprendre leurs esprits.

Mon fils, & vous, belle Princesse, leur dis-je, lorsqu’ils furent en état de m’entendre, je veux que votre espoir renaisse, rendez-moi plus de justice. Je ne suis point un tyran. Je vous aime, dis-je à