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ET LA PATIENCE.

brûlons d’une flamme semblable ; & pour l’éteindre, je n’ai que l’unique remede de renoncer à la vie.

A ces mots, elle tira de son sein une petite fiole, qu’elle alloit porter à sa bouche, lorsque mon fils parut, qui, lui saisissant le bras : Qu’allez-vous faire ? s’écria-t-il ; quoi ! vous avez l’inhumanité d’attenter à des jours si précieux ! Ah ! vivez, charmante Princesse, ne privez pas l’Univers de son plus bel ornement ; c’est moi seul qui dois périr, pour expier le crime que j’ai commis en renonçant moi-même à la félicité d’être votre époux. Qui l’auroit cru, poursuivit-il avec transport, lorsque mon Pere & tout l’Etat me pressoient de vous donner la main, que moi seul, ennemi de mon bonheur, je m’y opposerois ?

En disant cela, il tira son poignard ; il alloit s’en percer le sein. Cette action désespérée fit cesser les combats qui se donnoient dans mon cœur, entre l’amour en courroux & la tendresse paternelle. J’oubliai qu’il étoit mon rival, pour ne penser qu’au danger où je voyois mon fils.

Arrête, misérable, m’écriai-je, en traversant avec précipitation l’espace qui nous séparoit, & ne mets pas ton pere