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LE TEMPS

Pourquoi donc, reprit sa Confidente avec étonnement, avez-vous laissé avancer cette négociation, & quelle est la raison qui vous a porté à répondre au Roi de Golgonde, (lorsqu’il vous a consulté sur les propositions que le Prince, chez qui nous sommes, lui fit faire,) que le bien que la Renommée publioit de lui, vous permettoit d’accepter cette alliance avec joie ?

Hélas ! repartit la Princesse, je pensois alors ce que je disois, & quand mon malheur a changé mes sentiments, je me suis flattée que quelqu’efforts intérieurs triompheroient d’une déplorable passion. J’ai trop compté, poursuivit-elle, sur la force du devoir, il ne me paroissoit pas si affreux qu’à présent. Lorsque j’ai vu le fils de l’époux à qui je suis destinée, son mérite éclatant m’a prévenu en sa faveur ; mais je ne m’imaginois pas qu’il poussât ses effets si loin qu’il a fait ; c’est ce malheureux voyage, qui, en me fournissant de continuelles occasions de l’entretenir, a répandu sur ma vie le funeste poison dont je ne puis guérir que par la mort. Notre infortune est commune, ajouta-t-elle, il n’a pu se défendre non plus que moi de ressentir la même ardeur : quoique sans espérance d’être heureux, nous